Les conditions semblent propices à l’immobilier alors que les taux d’emprunt de l’État sur 10 ans sont presque nuls et que les taux de dépôt de la BCE demeurent négatifs. Pour autant, en ce début d’année 2020, un décalage entre légalité et réalité du marché vient impacter de nombreux ménages souhaitant contracter un prêt immobilier. Nous faisons le point pour vous, dès maintenant !
Hausse des taux d’emprunt, baisse du taux d’usure
On a pu constater depuis quelques semaines l’augmentation des taux d’emprunt de plusieurs banques, une augmentation comprise généralement entre 0,10% et 0,20%. Dans le même temps, certaines banques ont réalisé des augmentations consécutives, ce qui se révèle significatif d’une dynamique. Ainsi, le TAEG moyen est établi à 1,10% sur 12 ans, 1,30% sur 20 ans et 1,50% sur 25 ans.
Cette hausse est toutefois limitée par le taux d’usure, qui désigne le taux maximum autorisé par les établissements prêteurs, comme les banques.
- Le taux d’usure ne concerne pas simplement le taux d’emprunt, mais englobe également tous les frais, comme ceux de courtage et de dossier, ou encore l’assurance. Il dépend principalement des montants empruntés, et est calculé par la Banque de France chaque trimestre. Elle calcule alors, après enquête, le TAEG moyen auquel elle applique une règle d’1/3.
- Ainsi, 33% du TAEG moyen + TAEG moyen = nouveau taux d’usure pour le trimestre.
Le but d’un tel taux est d’empêcher la constitution d’emprunts toxiques, comme on a pu le voir aux États-Unis lors de la crise des subprimes de 2007-2008. Pour rappel, une quantité phénoménale de prêts immobiliers par les banques, lesquelles n’ont pas forcément vérifié les capacités de remboursement. Elles ont alors appliqué un taux variable, déjà bien élevé. Les ménages se sont donc retrouvés étranglés financièrement, incapables de rembourser les emprunts, tandis que les banques accumulaient les dettes et titres sans valeur. Le taux d’usure en France évite les perturbations de l’économie et que des personnes ne consentent à un taux trop élevé qui pourrait les mettre en difficulté financière par la suite.
On le comprend, le taux d’usure est louable dans ses intentions, puisqu’il assure un rôle de régulation et de protection. Pour autant, le calcul au trimestre se révèle problématique dans le cas où, comme actuellement, la situation vient à évoluer très rapidement. Cet « effet ciseau » est ici d’autant plus renforcé qu’il s’accompagne d’une baisse des taux d’usure à la suite du calcul établi par la BdF au trimestre dernier, constatant une baisse générale du TAEG global.
- Il en résulte un décalage entre le taux d’usure fixe pour trois mois et le TAEG moyen actuel. Cette distorsion vient donc exclure un certain nombre de profils, au prétexte (légal) que le TAEG global excède le taux d’usure actuellement en vigueur.
Quelles répercussions sur les profils d’emprunteurs ?
Si la baisse des taux d’usure peut apparaître à première vue comme une bonne nouvelle, c’est bien ce décalage qui vient exclure de nombreux profils. Ce, d’autant plus que tous types de ménages sont concernés : les revenus les plus modestes et les profils fragiles, bien sûr, mais également les foyers disposant de revenus conséquents. Explorons cela plus en détails avec quelques exemples.
Pour les revenus modestes
En ce qui concerne les profils, ce n’est pas tant le montant emprunté que l’accumulation des frais qui vient gêner l’accès à l’emprunt. Un exemple parlant est celui de cette femme senior gagnant 1700 euros par mois. Désirant acheter un bien immobilier, elle demande un prêt d’un montant de 97 000 euros. Et si celui-ci lui est accordé au taux d’1,5% sur 20 ans, l’assurance vient le pousser au-delà de 2,70%. Il en résulte que le TAEG dépasse le taux d’usure, et donc que le prêt ne peut être légalement accordé.
Pour les revenus élevés
Puisque les frais sont proportionnels au montant emprunté, les ménages disposant de revenus conséquents sont également concernés. Ainsi, Vousfinancer donne l’exemple de ce couple de quarantenaires gagnant 30 000 € par mois – une belle somme on en conviendra ! Pour autant, souhaitant emprunter sur 25 ans, ils aboutissent à un TAEG (comprenant tous les frais) un peu au-dessus de 3%. Puisque ce taux est supérieur au taux d’usure, à 2,61%, il en résulte que le prêt est illégal et ne peut donc être accordé.
Pour les profils fragiles (seniors, risques de santé)
C’est de nouveau l’assurance qui va venir chambouler l’accès au prêt. Effectivement, du fait de profils plus à risques, les banques appliquent une assurance plus complète, mais également plus onéreuse. La conséquence en est que le taux d’assurance vient gonfler de manière conséquente le TAEG global qui, une fois de plus, est supérieur au taux d’usure.
Pour autant, de belles perspectives immobilières en 2020
Malgré cet effet ciseau de début d’année, il y a fort à parier que la situation devrait revenir à un équilibre. Effectivement, l’existence même du taux d’usure s’applique et vient donc limiter la dynamique de la hausse constatée sur les dernières semaines. De même, les banques ont confirmé leur intention de production de nouveaux crédits, reproduisant peu ou prou les objectifs déjà importants de 2019.
Ils comptent ainsi beaucoup sur « la France des propriétaires« , cet idéal français au sein duquel chacun se retrouve propriétaire de son logement. Dans cette optique, les banques ne comptent donc pas exclure des profils d’emprunteurs potentiels, même si les hausses consécutives leur permettent, en début d’année, d’améliorer la rentabilité des crédits. En attendant la nouvelle évaluation de la Banque de France, au trimestre prochain !
- Notons également que l’actualité a son importance. Les débats houleux sur le système de retraites rappellent l’importance d’une sécurité financière à un âge où le travail n’est plus possible et / ou désirable. De ce fait, l’immobilier continue de représenter un investissement d’avenir.
Le cas des prêts sans apports
Bien qu’il s’agisse encore d’une spéculation, il y a fort à parier que les banques commenceront dès cette année à mettre en application les accords de Bâle IV. A l’initiative du comité de Bâle – répondant à la Banque des règlements internationaux – ces nouveaux accords ont en effet été signés en 2017, pour une application entre 2019 et 2024. Ils visent notamment à limiter le recours aux emprunts sans apport, lesquels sont considérés comme plus risqués à la fois pour la banque et l’emprunteur. Effectivement, tandis que les capacités de remboursement sont moins assurées pour ce dernier, la première se doit de disposer de fonds propres. Dans une optique d’autorégulation, les banques pourraient donc commencer à mettre en application les directives dès maintenant, sans attendre les changements légaux.