Le démembrement de propriété : un vecteur d’optimisation fiscale
Bien que le démembrement de propriété ne fut pas, de base, conçu comme un dispositif fiscal attrayant, le fait est qu’il est devenu un refuge pour les propriétaires souhaitant diminuer l’impact des prélèvements, par exemple au titre de l’Impôt sur la Fortune Immobilière ou des droits de succession. Voyons ensemble en quoi consiste le démembrement de propriété, quels en sont les principaux acteurs ainsi que les termes et conditions de ce processus.
Qu’est-ce que le démembrement de propriété ? Principe du droit de propriété
Pour disposer pleinement d’un bien, c’est-à-dire jouir pleinement du droit de propriété, vous devez combiner trois critères :
- Le fait de pouvoir disposer de votre bien,
- Le fait de pouvoir l’utiliser,
- Le fait de pouvoir en percevoir les fruits (les gains).
A partir de cette base dite de « pleine propriété », il est possible de procéder à un démembrement de propriété. Le processus permet de diviser le bien entre deux ou plusieurs individus, répondant au titre de « nu-propriétaire » ou d’« usufruitier » fonction des donations du plein propriétaire.
Usufruit, nue-propriété, pleine propriété : de quoi parle-t-on ?
Ces trois termes correspondent aux combinaisons possibles des éléments du droit de propriété. On dénote ainsi deux situations de division du bien :
- L’usufruit, avec un ou plusieurs usufruitiers. Cette situation correspond à l’utilisation du bien et le fait de pouvoir en percevoir les fruits (d’où le nom). Vous ne disposez en revanche pas du bien, et ne pouvez donc pas décider de le vendre ou de le détruire.
- A l’inverse, le nu-propriétaire dispose du bien, mais n’est pas libre de l’utiliser ni d’en tirer des revenus.
Vous l’aurez compris : la pleine propriété correspond donc au fait d’être à la fois nu-propriétaire et usufruitier.
Qui peut être usufruitier ?
L’usufruitier peut être soit un particulier, soit une société (personne morale). Si l’usufruitier est un particulier, alors il est courant que le démembrement soit effectué à vie, à savoir le démembrement reste valable jusqu’à la mort de celui-ci. Dans le cas d’une personne morale, le démembrement doit être fixé pour une durée maximale.
Comment est partagé la valeur du bien ?
Tout dépend, tout d’abord, de si le bien est partagé pour une durée déterminée ou en viager. Dans le cas du premier scénario, alors la valeur fiscale est fixée à 23% de la pleine propriété, et ce par tranche de décennie. Dans le cas d’une donation en viager, alors les valeurs respectives dépendent de l’âge de l’usufruitier au moment de la transmission. Vous pouvez vous référer au tableau ci-dessous pour en savoir davantage sur les barèmes applicables.
Âge de l’usufruitier au moment de la transmission | Valeur correspondante de l’usufruit | Valeur correspondante de la nue-propriété |
Inférieur à 21 ans révolus | 90% | 10% |
Inférieur à 31 ans révolus | 80% | 20% |
Inférieur à 41 ans révolus | 70% | 30% |
Inférieur à 51 ans révolus | 60% | 40% |
Inférieur à 61 ans révolus | 50% | 50% |
Inférieur à 71 ans révolus | 40% | 60% |
Inférieur à 81 ans révolus | 30% | 70% |
Inférieur à 91 ans révolus | 20% | 80% |
Supérieur à 91 ans révolus | 10% | 90% |
Quand se terminent l’usufruit et le démembrement de propriété ?
Tout dépend à nouveau de si une durée a été fixée. Si c’est le cas, alors le démembrement de propriété prend logiquement fin une fois la durée écoulée. Dans le cas inverse, et hors cas spéciaux mentionnés ci-dessous, le démembrement prend fin à la mort de l’usufruitier. Le nu-propriétaire acquiert alors la valeur correspondante à l’usufruit et devient plein propriétaire.
Pour certains scénarios, l’usufruit peut prendre fin avant le terme de la durée ou le décès de l’usufruitier :
- La pleine propriété est retrouvée (les 3 éléments de propriété sont concentrés dans les mains de la même personne).
- Le bien n’est pas utilisé pendant une durée de 30 ans.
- Le bien ayant subi le démantèlement est perdu.
- Une décision de justice intervenant suite à une saisie par le nu-propriétaire et portant sur un éventuel abus de droit par l’usufruitier.
Les avantages du démembrement de propriété
De plus en plus de particuliers souhaitent passer par le démembrement de propriété, notamment pour profiter d’une fiscalité avantageuse mais également pour assurer leur sécurité et celles de leurs proches, et pouvoir préparer leur avenir (notamment la retraite) en toute sérénité.
Une imposition plus avantageuse
Le fait de rester nu-propriétaire tout en cédant l’usufruit vous permet, tout d’abord, de diminuer considérablement votre impôt. Effectivement, le bien étant imposé sur sa valeur en propriété pleine, vous n’avez plus à subir la même imposition que si vous étiez à la fois usufruitier et nu-propriétaire.
A noter que l’imposition se montre tout autant avantageuse pour une donation temporaire. Celle-ci peut être intéressante pour venir en aide à l’un de vos proches : vous lui accordez alors une donation temporaire d’usufruit, laquelle est limitée à une durée que vous fixez (en moyenne, celle-ci est de 10 ans). Cela présente des avantages intéressants, car le bien reste à vous au final, mais que pour la durée où il est en donation temporaire, il n’est pas concerné par l’Impôt sur la Fortune Immobilière. Enfin, ce dispositif impose des droits de mutation dont le calcul repose sur seulement 23% de la valeur de votre bien (en pleine propriété).
Des donations aux conditions attrayantes, des droits de succession réduits
La loi vous autorise à donner, tous les 15 ans, jusqu’à 100 000 € par parent et par enfant, sans que cette somme soit soumise à imposition. La donation immobilière correspond également à ce schéma, à ceci près qu’elle se montre encore plus intéressante fiscalement. Effectivement, vos droits de donation (pour les sommes supérieures au plafond) se trouvent réduits, car seule la nue-propriété est prise en compte dans le calcul. Surtout, cela vous permet de conserver une réserve sur l’usufruit, et ainsi de continuer à jouir du bien.
Et c’est ainsi que le dispositif se montre particulièrement avantageux pour la succession. On l’a vu : si la cession a été effectuée en ces termes, alors l’usufruit se termine à la mort de l’usufruitier. Le nu-propriétaire peut alors recevoir l’usufruit sans avoir à payer de droits de succession, puisque la réserve mise sur la donation constitue une simple transmission prévue par le dispositif.
Pour votre retraite : la vente en viager
Pour les personnes retraitées, notamment, le démembrement présente des opportunités fiscales très intéressantes, aussi bien vis-à-vis de la réduction des coûts que de l’obtention de liquidités. Vous pouvez en effet décider de vendre la nue-propriété du bien : vous percevrez ainsi une somme pour l’achat de ce droit. Pour autant, vous continuerez à bénéficier et pourrez donc continuer à l’utiliser et à en tirer des revenus (pour y habiter ou pour le louer par exemple).
Une sécurité pour vos proches
Vous pouvez décider du démembrement pour la sécurité de vos proches. Par exemple, si vous disposez d’immeubles, vous pouvez rendre faire en sorte que vos enfants deviennent usufruitiers : ils pourront ainsi l’utiliser ou le louer (et ainsi percevoir des revenus utiles au début de la vie active), mais vous continuerez d’en être le propriétaire. La chose peut également être intéressante si vous êtes pacsé ou en concubinage : vous vous assurez ainsi qu’en cas de décès, l’usufruit revient automatiquement et sans frais à votre partenaire de vie.
Pour répartir les charges
Qui dit démembrement du droit de propriété dit aussi démembrement des responsabilités liées à chaque élément. Ainsi, l’usufruitier est tenu d’entretenir le bien et de respecter les conditions de jouissance ; à défaut, le nu-propriétaire peut exiger une compensation financière. En ce qui concerne le nu-propriétaire, celui-ci est tenu aux grosses réparations mais plus à l’entretien, ce qui est autant un gain financier que de temps.